L’emprise dans les violences intrafamiliales :

Si l’amour qui unit deux personnes repose sur la volonté partagée de s’enrichir l’un l’autre, l’emprise en est l’exact opposé. L’emprise est un phénomène destructeur au cœur de nombreuses violences intrafamiliales. Invisibles aux yeux du monde extérieur, ces mécanismes psychologiques privent la victime de sa liberté, son autonomie, et parfois même de son identité.

L’emprise conjugale a plusieurs spécificités car elle s’exerce dans le cadre du couple et de la famille sur lequel notre imagerie fait reposer de l’amour et non pas de la violence, puis elle intervient en huis-clos, à l’abri des regards et enfin, elle s’exerce non seulement sur le ou la conjoint·e mise en difficulté mais aussi sur les enfants.”                                                                                                                       

 Anne-Laure Buffet (thérapeute, et formatrice spécialisée dans l’accompagnement de personnes victimes de violences psychologique

Qu’est ce que l’emprise ?

L’emprise se définit comme un processus de domination exercé par un individu sur un autre, où la victime se retrouve progressivement privée de son libre arbitre. Elle se développe souvent au sein des relations familiales ou de couple, où l’auteur des violences, qu’il soit conjoint, parent ou proche, impose son contrôle sur la victime. L’emprise est une violence que l’on pense invisible et pourtant elle est bien présente et destructrice. 

Ce phénomène s’articule en 3 dimensions

  • L’appropriation : Elle consiste pour l’agresseur à « prendre possession » de l’autre, non pas seulement sur un plan physique, mais surtout sur un plan émotionnel et psychologique.
  • La domination : l’agresseur établit un pouvoir autoritaire et impose sa volonté sur la victime. Cette phase s’exprime par une relation de force où la victime perd progressivement sa capacité à s’opposer ou à penser par elle-même
  • L’empreinte sur l’autre/destruction : La victime est tellement affaiblie par la domination qu’elle perd confiance en elle, en ses jugements et en sa capacité à réagir.

Et il peut se manifester sous différentes formes :

  • Psychologique : Dévalorisation, manipulation, culpabilisation constante.
  • Émotionnelle : Alternance de phases d’amour et de rejet, menant la victime à douter de ses propres perceptions.
  • Financière : Contrôle des ressources économiques, empêchant l’autonomie de la victime.
  • Physique : Dans certains cas, l’emprise s’accompagne de violences physiques, venant renforcer l’isolement et la peur.

Les conséquences psychologiques de l’emprise et les répercussions sur la vie quotidienne

Les conséquences psychologiques de l’emprise sont profondes et peuvent affecter durablement la victime et son quotidien, même après la fin de la relation. Parmis les conséquences, on peut retrouver: 

  • La perte d’estime de soi et de confiance en soi,
  • L’anxiété,
  • La dépression, 
  • La dépendance affective,
  • L’isolement social,
  • Les troubles dissociatifs, troubles de l’humeur,
  • Perte de liberté et d’autonomie…

La manipulation répétée entraîne une dévalorisation de soi, la victime finit par croire qu’elle ne vaut rien et qu’elle mérite le traitement qu’elle subit et qu’elle est responsable de la situation. Les victimes vivent dans la crainte de l’autre, elles deviennent incapable de prendre des décisions ou de fuir.

En quelques chiffres :

  • 80% des victimes de violences psychologiques ne réalisent pas immédiatement qu’elles sont sous emprise, car le contrôle est progressif.
  • 70% des victimes de violences conjugales déclarent avoir été sous emprise psychologique avant les violences physiques.
  • 244.301 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire en 2022
  • 116 006, le numéro national d’aide aux victimes, a traité 60 000 appels en 2023, un signe de la gravité croissante des violences intrafamiliales​ (France Victimes)

Pour les victimes, comprendre qu’elles sont sous emprise est la première étape vers la libération. 

En sensibilisant le public et en renforçant l’accompagnement des victimes, nous pouvons espérer briser ces mécanismes d’emprise et leur permettre de retrouver une vie autonome, libre et digne.